• Trois fois de suite , Sawadogo fait le signe de la croix avant de prendre le volant . Cela me laisse perplexe .. Mais aprés tout , la route est longue et il n'est pas plus mal d'avoir Dieu avec nous ! Plus tard , dans la soirée , il me demandera de faire un détour  vers un village perdu dans la brousse , afin me dit-il , de consulter un Sorcier réputé , susceptible de l'aider à résoudre un probléme familial . Et il se signera de nouveau en reprenant le volant ..
    Nous voilà donc partis dés potron -minet , mais au lieu du mythique land rover 4x4 que j'espérais , on m'a confié une 403 peugeot bâchée ! Mesure de rétorsion ? En tout cas , Sawadogo m'assure que la " pijo " est un trés bon véhicule pour la brousse .

    Premiers kilométres , découverte de la forêt tropicale ! Jusqu'à Yamoussoukro , la piste est un mince ruban rectiligne de goudron parsemé de " nids de poule ". L' habileté avec laquelle  les chauffeurs évitent ces trous sans entrer en collision me stupéfie ... De part et d'autre de la route , des arbres gigantesques laissent à peine passer la lumiére . Au cours d'un arrêt , je pénétre de quelques métres à l'intérieur de la forêt , accompagné par les cris stridents de singes et d'oiseaux . J'éprouve aussitôt une sensation désagréable de peur et d'oppression qui me pousse à sortir de cet endroit ,comme si j'allais être avalé par la végétation ! Je découvre à cette occasion que je suis claustrophobe ...

    Il aura fallu plus de 200 kms pour que la forêt devienne moins dense et que la présence humaine commence à se manifester .
    Cela commence par des bruits :  aboiements ,caquétements des poules et des pintades , cris et pleurs des enfants , mélopée nasillarde chantée par les femmes qui pilent le mil en tapant dans leurs mains en cadence ..
    Ensuite , les odeurs que dégagent la combustion du bois encore humide , la cuisson des aliments , les épices . Mais aussi les odeurs "sui généris" .
    Enfin , le village apparait : cases rondes en terre reliées entre elles par un mur à mi hauteur . L'ensemble forme une concession à l'intérieur de laquelle vit la famille élargie .
    Un peu à l'écart , un immense baobab à l'ombre duquel des hommes discutent et entourent un autre homme trônant sur un fauteuil en bois . Le chef du village , me dit Sawadogo !

    A notre arrivée , les bruits s'atténuent un moment avant de reprendre de plus belle . Les femmes , sans interrompre leur travail , rient et chantent plus fort . Les hommes nous observent discrétement , les enfants nus comme des vers , aprés s'être enfuis , s'enhardissent et s'approchent..... J 'ai l'impression que tous ces enfants se ressemblent et je me demande bêtement comment on peu les différencier !!!
    Selon la tradition , nous nous dirigeons vers le baobab pour saluer le chef du village , accompagnés par les enfants qui courent dans tous les sens.. Dans un geste naturel et affectueux , je passe la main sur la tête crépue de l'un d'eux . Il se sauve en pleurant !
    Mon compagnon me fait séchement remarquer que cela ne se fait pas en Afrique !! Quel con je suis !  Mais sans chercher d'excuses , je pense que mon employeur aurait pu me mettre en garde contre certains comportements à éviter . S'en souciait-il seulement ?
    Le chef me fait asseoir en face de lui sur un petit banc , Sawadogo à mes côtés . Vêtu d'un ample boubou d'un blanc immaculé , le visage parsemé de cicatrices ethniques , c'est un homme âgé certainement mais au regard clair et perçant . Il inspire le respect .. et peut-être la crainte pour ses sujets ? Il parle d'une voix douce en dioula ( la langue locale que je ne comprends pas bien sûr ) , me souhaite la bienvenue et me demande par l'intermédiaire de l'interpréte , quel bon vent m'emméne dans son village ! Je le remercie de son accueuil et lui dis que je viens d'arriver en Afrique . Je me confonds en excuses pour ma maladresse de tout à l'heure avec l'enfant . Il me sourit en hochant la tête et je sens que je suis pardonné .
    Je demande à Sawadogo de lui donner des détails sur les travaux que nous effectuons et sur leur implication pour son village . Il écoute attentivement et pose beaucoup de questions . J'apprendrai plus tard qu'aucun "collégue" n'aura jugé bon à ce jour de venir le saluer !!!
    Une femme apporte alors une grande calebasse remplie d'un liquide d'une couleur indéfinissable : de la biére de mil . Aprés que le chef ait bu , on me sert une bonne dose . A ma grande surprise , c'est frais et délicieux !! A la deuxiéme , je suis un peu pompette ..
    L'entretien touche à sa fin . Le chef  se léve et me fait signe d'approcher . Je lui tends la main droite qu'il enserre dans les deux siennes avec un grand sourire.. Je suis ému !

    Je suis vraiment en  Afrique maintenant et heureux d'y être ! A cet instant là , je me dis que je ne retournerai pas en France avant longtemps . C'est ici que je veux vivre.....


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  • Retour provisoire au présentAbandonnons pour quelque temps le jeune homme à la découverte de sa vie nouvelle .
    Laissons opérer la mystérieuse alchimie de la mémoire .
    Laissons les vieux souvenirs se mettre en ordre de marche et prendre la place qui est la leur dans la machine à remonter le temps !

    Une cinquantaine d'années aprés , qu'est donc devenu le drôle de jeune homme ?
    Permettez moi de répondre à cette question car je pense être le mieux qualifié pour le faire !

    Eh bien , il est tout simplement devenu un drôle de vieux bonhomme , mais fondamentalement , il est resté le même ..
    Il était idéaliste , épris de justice et de fraternité , libertaire tendance anarchiste . Il pensait avec victor Hugo que l'utopie d'aujourd'hui pouvait être la vérité de demain . Il voulait changer le monde !!
    Sacré gamin !!
    Même si cette énumération me fait un peu sourire aujourd'hui , à part le fait que vouloir changer le monde ne me parait pas une bonne démarche , si ce jeune homme était mon fils , je l'encouragerais à continuer dans cette voie , car c'est à mon sens la voie de la Liberté ...

    Et le vieux drôle de bonhomme , à ce jour , qui est-il ?
    Aprés avoir "assumé" une vie professionnelle dont j'ai l'impression qu'elle fut seulement une parenthése de 40 ans sans grand intérêt ,
    Aprés avoir vécu dans le même temps bonheur et harmonie avec épouse et enfants ,
    Un jour , le nomade qui sommeillait en moi s'est réveillé , et l'appel de la liberté a été le plus fort ...
    Je me suis séparé progressivement de ce que je possédais pour arriver à ne garder que l'indispensable .
    Ne rien avoir , c'est vraiment la liberté et c'est d'un confort inouï !!!
    je n'ai donc pas de domicile fixe . Un vieil ami breton mâtiné de ch'ti m'héberge virtuellement chez lui , afin de fluidifier les problémes administratifs qui se posent à tout individu , surtout s'il est nomade ! Merci Laurent , merci Jac...merci aussi Jb ...

    Je vous présente donc mon compagnon de vie à 4 roues qui m'héberge pour de vrai .
    Il accepte la plupart du temps de me conduire là où j'ai l'intention d'aller . Il n'est plus tout jeune lui non plus et doit être ménagé . Ceci explique qu'il nous faille un temps assez long pour aller d'un point à l'autre !
    C'est en fait le seul " bien " que je posséde ...
    Comme vous pouvez le constater , il est trés coquet ; et de plus , une bonne âme , soucieuse de mon confort , lui a concocté une déco intérieure à son goût avec rideaux à petits carreaux rouges et blancs et fauteuils assortis !!
    Le ( petit ) probléme , c'est que ce genre de véhicule ainsi décoré , est aussi fréquemment utilisé par certaines dames de petite vertu qui roulent peu mais gagnent beaucoup !!
    D'où quelques quiproquos que vous imaginez bien .....
    Ainsi , récemment , à l'heure sacro sainte de la sieste effectuée au bord d'une petite route ,
    quelqu'un tape discrétement sur la vitre . Dérangé dans mon demi sommeil , je réponds par un grognement réprobateur . J'entends alors des pas précipités s'éloigner et une voiture démarrer en trombe ........
    Dangereuse la vie de nomade , n'est il pas vrai ?











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  • Résumé des épisodes précédents :
    Acte 1 : à Paris , un jeune homme en mal d'aventure pose sa candidature à un emploi en Afrique . Par un stupéfiant concours de circonstances , il obtient ce poste pour lequel il n'est pas qualifié .
    Acte 2 : à Abidjan , le directeur pour la Cote d' Ivoire , s'appréte à accueuillir le technicien hydrologue expérimenté qu ' il réclame depuis des jours ... Amére désillusion !

    L 'attente dans le bureau fut assez longue et propice à la gamberge . J'imaginais déja un retour anticipé en France . Bah ! ça m'aura toujours fait un joli voyage gratuit ... Positivons !!
    j'entends des éclats de voix dans le couloir . Je reconnais celle de mr G. qui s'approche . Je me fais tout petit ....
    Le visage blême , il m'annonce qu'il vient de téléphoner à " Paris " pour me renvoyer et faire venir quelqun d'autre . J 'imagine mr Toucheboeuf lui répondant : désolé , mon vieux , mais je n'ai personne d'autre sous la main !!!
    " Puisqu ' il en est ainsi , me dit-il , vous allez passer 3 jours ici pour apprendre les rudiments du métier et ensuite , vous partirez avec un chauffeur " .
    " Bien , mon adjudant , lui réponds-je intérieurement ! "

    Son attitude à mon égard a changé . Il est trés distant et j'ai le sentiment que sa colére s'est reportée sur " Paris ". Je le trouve dans un état de profonde vexitude !!!

    " Je vous ai assez vu me dit-il , trés calme . Bremond va s'occuper de vous , il vous attend dans le couloir ... "
    je bafouille quelques mots , ( j'aimerais lui dire simplement au revoir , merci et sans rancune ) . Sans me regarder , il m'indique la porte d'une façon péremptoire . J'ai compris , j'arrête de bafouiller et sors aussi discrétement que possible .. Ah ! si les portes pouvaient parler !!!
    Je ne reverrai pas mr Georges avant plusieurs mois ....

    J'aimerais me retrouver seul pour savourer ce merveilleux moment de décompression et de satisfaction où je me dis que le plus dur est fait . Mais Brémond m'attend et le devoir m'appelle !!!!

    On échange quelques mots , puis il m'emmene chez lui car il est chargé de m' héberger et de me "coacher " pendant ce bref séjour à Abidjan .
    Comme tous les européens en Afrique , il habite une trés grande maison dans laquelle une chambre m'est réservée . Au plafond , un immense ventilateur brasse doucement l'air chaud et moite de ce milieu d'aprés midi . Le lit est équipé d'une moustiquaire et on me recommande de bien la caler sous le matelas .
    Je prends une longue douche froide et m'allonge pour une petite sieste , qui en fait s'avérera bien longue elle aussi puisque je ne me réveillerai qu'au petit matin ....
    j'ai du mal à réaliser où je suis et ce que je fais là ! d 'autant plus que ma nuit a été peuplée de cauchemars ... J' ai peur d'un seul coup . Je n'avais pas beaucoup de repéres avant de partir , mais là , je n'en ai pas du tout .... Puis l'insouciance de la jeunesse reprend vite le dessus !!!!
    Je sens avec un plaisir gourmand l'odeur du café . Brémond m'attend sur la terrasse . Je suis accueilli par un africain au sourire radieux sur des dents extra blanches . " Bienvenue en Codivoire patron ! " me lance - t -il . Bis répétita ! Je me sens déja un peu moins gêné ..

    Aprés le déjeuner , départ pour la lagune de Grand Bassam . C'est là qu'officie Brémond , mon mentor .
    Aperçu visuel des installations hydrologiques ; découverte d'appareils aux noms bizarres : pluviographes , limnigraphes , héliographes , anémométres , échelles de crue et j'en oublie ..
    Ensuite , mise à l'eau du zodiac avec moteur de 40 cv s'il vous plait ! . Visite in situ des susdits appareils et manipulations diverses . J'écoute les explications de Brémond et essaie de les enregistrer , mais en même temps , je ne peux pas ne pas m'émerveiller devant cette vie végétale et animale qui m'entoure : des plantes lacustres odorantes et multicolores aux  singes verts qui sautent de lianes en lianes à quelques dizaines de métres de nous . Je m'attends à voir Tarzan arriver et me souhaiter la bienvenue !!!
    je me reprends vite , car je pense que ce n'est pas tout à fait cela que mon nouvel employeur attend de moi !
    Imperturbable  malgré ma distraction , Brémond continue consciencieusement ma formation .
    Comme prévu , elle a duré 3 jours . A la fin , j' étais rouge comme une écrevisse , pas encore hydrologue mais un peu moins ignare !

    Le soir du dernier jour , je fais la connaissance du chauffeur qui répond au doux nom de Sawadogo . Il est discret , peu souriant mais je le sens digne de confiance ; et c'est trés bien car nos destins vont être liés pendant plusieurs mois . Lui aussi m'appelle patron ! Je lui dis que j'aimerais qu'il utilise mon prénom ... je perçois dans son regard de l'étonnement et de l'incompréhension !!! Il continuera à me donner du patron et je m'y ferai !! Sawadogo trvaille depuis de nombreuses années dans la société en tant que chauffeur et accessoirement aide hydrologue . Cette double qualification me convient trés bien et m'aidera considérablement ...

    Le départ est prévu demain au lever du jour . Tout est prêt . je suis super excité !!

    Enfin l'aventure peut commencer ....

     

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  • En attendant le 11 novembre ,date du départ , je vous convie à partager avec moi quelques faits marquants de ma vie passée . Aujourd'hui , suivons les premiers pas en Afrique d'un drôle de jeune homme qui se demande à quelle sauce il va être mangé !

    Fin juillet 1961 , aeroport d'Orly: tout est découverte et source d'émerveillement . Au milieu de tous ces panneaux d'affichage qui clignotent ,de ces annonces distillées par une voix mélodieuse qui parlent d'embarquement immédiat , je suis dans un état second ... Personne ne m'ayant accompagné , je me sens bien seul et queque peu inquiet . je me fais confirmer plusieurs fois que le vol pour Abidjan est bien celui que je crois !
    Ca y est , c'est pour moi maintenant l'embarquement immédiat !!!!!

    Aéroport de Port Boué au petit matin :curieusement , je n'ai guére de souvenirs de cette arrivée sinon une grande moiteur et des odeurs inconnues .
    On m'emméne à l'agence ou je suis présenté . Puis je suis invité à petit déjeuner dans la grande maison de type colonial du directeur et de madame . je suis accueuilli par une énorme tête ( empaillée ) de phacochére accrochée au dessus de la porte , et par le grand sourire d'un jeune Africain qui me salue respectueusement en m'appelant " patron " . Je suis affreusement gêné... Il s'agit du boy cuisinier me dit on , à ne pas confondre avec le boy serviteur ou le boy laveur !! On se croirait dans Tintin au Congo ... Il faudra que je m'y fasse!!!
    Le directeur (appelez moi Georges me dit il ) ,est petit , cheveux en brosse qui descendent trés bas sur le front , sourcils fournis , machoire carrée . Il a l'air sérieux et guoguenard à la fois . Il me fait penser à un officier militaire sorti du rang mais qui aurait gardé ses génes d'adjudant chef et dont le regard vous dit " on ne me la fait pas à moi ! ". Pour ne rien vous cacher . cet homme m'impressionne et me fait un peu peur .
    J'ai oublié le visage de madame , mais je me souviens qu'elle avait le verbe haut et qu'elle parlait beaucoup , comme d'ailleurs la plupart des femmes européennes que je rencontrerai plus tard...
    Pendant le déjeuner , la conversation tourne autour de la vie au quotidien des blancs en Afrique , de la difficulté à gérer le personnel domestique pour madame , des problémes rencontrés par monsieur dans ses contacts obligés avec les autochtones... " Les africains sont paresseux , me dit il ,  ce sont des grands enfants qui ne pensent qu'à s'amuser . Il faut toujours être derriére eux . En plus , ils ont voulu leur indépendance ..... En métropole , des gens pensent que nous sommes racistes . C est faux ! nous sommes réalistes , c'est tout . Sans nous , ils ne seraient rien et ce n'est pas l'indépendance qui changera quelque chose !!! " Je suis sidéré par ce discours et ne sait que répondre ; d'ailleurs ,Georges n'attend pas de réponse et m'invite à passer au bureau pour parler de choses sérieuses ...
    Nous y voici donc , plus d'échappatoire . 

    G me dit " On a du vous parler de l'urgence de la situation . Vous partez dés demain pour Korhogo (700 kms de piste au nord d'Abidjan ). Le land rover est chargé du matériel nécessaire . Vous êtes attendu sur place . Des questions ? "
    Euh , répond je en rougissant , c'est à dire que je ne sais pas conduire .... et je ne connais rien du travail qui m'est confié !!!
    Le regard de G me scrute intensément , son visage exprime un profond étonnement , les sourcils se froncent, en particulier le droit qui finit par former comme un point d'interrogation : "c'est pas vrai ,pourquoi cà m'arrive à moi ? " semble t il exprimer . Puis l'étonnement fait place à la colére et carrément au courroux ! Petit à petit , son visage devient rouge , puis bleu ,puis cramoisi !! On dirait Bruno Lochet de la famille Deschiens dans son exercice préféré !!! Il se léve brusquement de sa chaise et fait des allers retours intempestifs entre son bureau et la porte . J'ai comme l'impression qu 'il va trés bientôt m'inviter à la prendre . Je n'en méne pas large.....
    Alors , sans un regard , sans une parole , il quitte la piéce en claquant trés fort la porte derriére lui .
    Pourvu qu ' il se calme et qu'on puisse enfin causer entre gentlemen
    J'ai un doute !!!!!!!!!                               

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  • Eté 1961 , il y a 48 ans !!
    Je viens de quitter l'armee depuis peu . Je rêve d'aventures et de grands espaces .
    Une petite annonce parue dans France-soir me fait un clin d'oeil :
    "URGENT recherche technicien hydrologue pour depart immédiat en Afrique Noire " .
    Bien évidemment , aprés 8 années d'études pour devenir ecclésiastique et 3 ans à l'armée pour les oublier , je n'ai aucune qualification scientifique ni technique , et ne suis donc ni technicien ni hydrologue !
    Armé de culot , je me présente au 26 rue Bayard à Paris ( à coté de RTL ) où se trouve le siége de mon futur employeur : l'ORSTOM (office de la recherche scientifique et technique outre mer ) ouf ! Je suis reçu dans un bureau exigu , encombré de matériels divers et de revues poussiereuses . Au mur est accrochée de guingois une grande carte de l'AOF (Afrique occidentale française). Je suis fasciné par toutes ces punaises multicolores placées un peu partout sur la carte ...quelle invitation au voyage ! je suis donc reçu par un certain monsieur Toucheboeuf , homme affable ,souriant et calme . Il m'explique que l'Orstom développe entre autres ,un programme de recherche hydrologique dans le nord de la Cote d'Ivoire . Ce programme de 3 années consiste à déterminer les ressources potentielles en eau d'une région donnée .Pour ce faire , des appareils enregistreurs ont été installés dans des endroits stratégiques .Le travail du technicien est de récupérer les enregistrements et d'effectuer différentes mesures .
    Voila en substance ce que me dit monsieur Toucheboeuf pendant que mon esprit vagabonde de punaise en punaise ! et que je ne crois pas du tout à une possible embauche ......
    J'apprends aussi que le technicien sur place est gravement malade et doit étre remplacé urgemment car la saison des pluies est commencée . Il me dit aussi ,( et là l'espoir renait et j'abandonne les punaises !),que les autres candidats sont indisponibles ou pas assez réactifs pour partir dans les 8 jours !!!
    Pas possible , serais je le seul candidat en lice ? La confirmation m'est donnée illico ...
    "Si vous étes disponible immédiatement ,nous vous proposons un contrat etc , etc , etc ...." Ah , monsieur Toucheboeuf , je vous aime !!!!!
    Ensuite quelques questions de principe : avez vous le permis de conduire ? parlez vous anglais ? Of course monsieur Toucheboeuf m'entends je répondre .. Comme vous le pensez bien , je ne sais pas conduire et mes connaissances en anglais sont trés trés limitées !!!
    en ce qui concerne le travail, on devrait me l'apprendre sur place !!
    Une secrétaire m'apporte un document qui devrait accelérer l'obtention du passeport et du carnet de vaccinations .
    L'entretien a duré 2 heures , peut etre 3....
    Je sors trés digne du bureau de monsieur Toucheboeuf (oui ,je sais mais c'est quand meme moins commun que Dupont ou Durand). Je me retrouve sur le boulevard hébété et incrédule ! Une immense joie sort du fin fond de mes tripes et se transforme en un énorme fou rire  . Je viens d'etre embauché sur une erreur de casting !!!!!
    La vie est belle et mon avenir s'annonce radieux ...
    Je m'envole 10 jours plus tard pour Abidjan avec un billet ALLER SIMPLE
    Le retour se fera 3 ans plus tard .

    Eté 2009 , 48 ans aprés.......
    Comme en 1961 , je ressens un profond besoin de nouveaux espaces et d'aventure-découverte .Les circonstances sont sensiblement les mémes . je ne posséde rien , donc je suis libre . Les gens que j'aime peuvent se passer de ma présence . J'ai l'insouciance de la jeunesse sans en avoir l'inconscience .
    La différence avec 1961 , c'est que je m'achemine sereinement vers la fin du parcours et qu'ainsi la boucle sera bouclée . Je pars donc tranquille .
    la vie est belle et l'avenir s'annonce radieux ....
    Je viens d'acheter un billet pour la Réunion : un ALLER SIMPLE

          
                   







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